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ARTICLES DE PRESSE
Magazine Chemins n°5 - septembre 2020
Nous sommes tous des résilients
Qui n’a, durant sa vie, éprouvé tragédies, deuils, maladies, oppressé par le sentiment d’un sans-issue ? Le désespoir, qui alors surgit, donne naissance à la nuit noire de l’âme, dans un huis-clos confinant à l’absurde. Le concept de résilience véhiculé par le psychiatre Boris Cyrulnik nous concerne tout particulièrement en ces temps troublés vides de sens. Souvent, dans la traversée du désert intérieur, peuvent se mettre en place des capacités stratégiques insoupçonnées qui n’eurent jamais pu voir le jour sans la survenue d’un cataclysme personnel ou collectif.
Le confinement récemment vécu sur un plan planétaire en est le parfait symbole. Lorsque sonna le glas de l’isolement individuel, lorsque tout se ferma et se tut, lorsque nous ne fûmes plus que bercés inlassablement par les annonces mortifères quotidiennes des alertes médiatiques, deux stratégies individuelles purent se mettre en place : La condamnation à un destin funeste, ou alors utiliser ce temps entre parenthèse comme une possibilité de descente en soi pour laisser émerger de nouvelles possibilités d’être au monde.
Le psychiatre et neurologue américain Viktor Frankl, réchappé d’Auschwitz, nous offre une vision bouleversante de son expérience concentrationnaire dans son témoignage majeur, « Découvrir un sens à sa vie » : « Lorsqu’on trouve un sens aux événements de sa vie, la souffrance diminue et la santé mentale s’améliore ». Cet être brisé, dont les proches périrent en fumée offrit à ses coréligionnaires de chambrée des groupes thérapeutiques dans les baraquements de la mort. Ainsi fut créé la « logothérapie » ou analyse existentielle, à mille miles du psychologisme, permettant au patient d’accéder à sa dimension spirituelle inconsciente, de survivre à l’épreuve pour lui donner du sens, grandir et naviguer à travers les torrents.
Je suis moi-même rescapée de deux traumatismes majeurs engendrés par des agressions armées à mon cabinet, dont la dernière, en septembre 2016, au poignard m’incita à sauter du premier étage pour échapper à la lame criminelle. Mon corps polytraumatisé, à reconstruire, exigea une année de rééducation pour l’aider à retrouver sa motricité. Je survécus à ce traumatisme gravissime en puisant dans mes ressources. Un processus alchimique de transformation s’ensuivit, alimenté par l’écriture et la peinture. Donner naissance à mon dernier livre « Une psy parle aux esprits » dans la grâce de la résilience, coucher les mots par écrit, conjurèrent, par un réveil à la vie, l’épreuve des cendres, et me permirent de poser du sens sur cet événement atroce. Pour rendre ce trauma cohérent et source d’enseignement, peindre s’associa à ma guérison et me recomposa. La mémoire et le rappel du souvenir par les mots m’étant difficiles, sinon impossibles, les outils de l’artiste exultèrent la violence exercée sur moi…
Cette stratégie d’adaptation post-traumatique que je mis en œuvre pour m’extraire de ce réel invraisemblable extériorisa le passé en une gestuelle thérapeutique salvatrice. C’était exister, vivre pour ne pas survivre, c’était ouvrir une nouvelle fenêtre sur le monde.
Avoir affronté la mort, malgré la persistance de certains stigmates et l’expérience de ma vulnérabilité, me réapprit à vivre en « refusant la résignation à la fatalité du malheur ».
Créer me guérit d’un stress mortifère très profond, et fut à l’origine de ma résilience. Je n’avais jamais peint auparavant. Je pus, par ce médium, faire un retour sur moi-même pour éjecter l’ébranlement de ce souvenir horrible, et découvrir, au moyen de l’expression artistique, qu’un traumatisme, aussi destructeur soit-il, peut éveiller en nous des stratégies de survie insoupçonnées qui sommeillent au fond de nous-mêmes.
Mourir pour renaître…
« Quel que soit le chemin, la lumière est au bout (…)
Car la nuit la plus noire est une aube qui vient » Edmond Fleg
Martine Gercault
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