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Mon père au loin
Roman – Martine Gercault
L’amour plus fort que la mort – Un roman majeur sur la maladie d’Alzheimer et la fin de vie
Paris, avril 2016, Une magnifique psychanalyse à ciel ouvert.
Mon père au loin de Martine Gercault est une autofiction intimiste, un chant d’amour.
Ariane, l’héroïne, nous entraîne dans un voyage intérieur dont elle sortira grandie. Elle témoigne, avec sincérité et subtilité, de la douleur psychique : celle d’un père frappé par la maladie d’Alzheimer, et de la sienne, sa fille qui l’accompagne en fin de vie durant les longues années de cette affection dévastatrice, fléau de notre époque. Une maladie qui s’attaque à la mémoire, garante de l’identité psychique, et qui foudroie le patient et son entourage.
Ce livre écrin est le portrait d’une femme de son temps, libre et libérée, qui nous invite, avec vitalité, gravité et parfois légèreté, à toujours repousser les limites douloureuses pour rencontrer le plaisir d’être. Le témoignage de la confrontation d’Ariane avec la maladie, le deuil, la mémoire et l’identité ne peut qu’inciter le lecteur à la méditation sur la nature et le sens de l’amour, fil rouge de ce livre.
Tout en nuances, non linéaire, Mon père au loin suit les courbes du passé sur le mode du « Je me souviens ». Si la voix prédominante est celle d’Ariane, on rencontre aussi, en contrepoint, celle de son père, dont seule est vivante la mémoire de l’Occupation et de la Shoah, tandis que celle du présent se délite.
Les descriptions, vives, impressionnistes, évoquent la vie riche et multiple de cette femme enthousiaste, parsemée de voyages qui la conduisent de Paris à Jérusalem, de la Toscane à Santa Fe, de l’Inde au Brésil, toujours en quête d’elle-même, de l’autre et du monde. Aussi douloureuse que soit cette exploration d’un passé clair-obscur, Ariane la sublime avec humilité, en pleine conscience.
À travers une prose poétique et envoûtante, l’auteur nous fait partager le parcours spirituel de l’héroïne et la sagesse acquise au cours de ses réflexions.
Cheminement courageux que celui de dévoiler les sentiers empruntés pour retrouver ou pour trouver enfin le goût de la vie et la trace de la lumière que chacun porte en soi.
Mon père au loin s’adresse en filigrane aux familles touchées par la maladie d'un proche. À sa manière, Ariane les prend par la main pour les aider à cheminer.
Mon père au loin est un témoignage fort et grave sur la transmission et la difficulté du passage.
Ariane, femme de son temps, témoigne et ose dire que l'amour pour un être cher n'est pas de l'enchaîner à une vie de souffrance, mais de l'aider, au contraire, à s'en libérer.
" Je priais pour ta libération…
… Toi absent, un cycle s’achèvera. Ton séjour sur terre laissera place à ton envol vers d’autres plans de conscience, et la femme sauvage en moi reprendra ses droits. "
" Mon père au loin " est en vente sur :
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et sur une centaine d'autres librairies online
Martine Gercault
Psychanalyste-psychothérapeute, psychologue clinicienne, depuis plus de trente ans, elle pratique une psychanalyse élargie aux approches non-verbales. C’est une spécialiste reconnue de la thérapie transpersonnelle et des pratiques chamaniques.
Elle possède une excellente connaissance du monde américain où elle a vécu et étudié.
Elle se consacre également à la peinture et au yoga.
Elle est co-auteur de : Parlons Psy, l’Archipel, 2007 et Conseil scientifique pour le Manuel des expériences extraordinaires, INREES, Dunod, 2009.
Mon père au loin est son premier roman.
En dédicace au Salon du Livre Paris 2016.
Elle a été désignée auteur de la semaine par Monbestseller.com
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Fiche technique du livre
ISBN numérique: 9791026202677 ISBN papier : 9791026203254
Titre - Mon père au loin
Auteur – Martine Gercault
Nombre de Pages : 187
Prix livre numérique : 3.99€ dans une centaine de librairies dont : Amazon, Fnac
Prix livre papier : 15.00 € sur Amazon
4ème de couverture :
"La lecture du livre est fascinante et captivante. La fine analyse rétrospective de la relation complexe à un père trouve sa place parmi les plus puissantes descriptions des relations père fille de la littérature… "
Extrait de la préface du Dr Stanislav Grof.
« Je t’ai souvent parlé pour rompre le silence. Aujourd’hui, le silence est obscur… Je me raconte à toi… Alors, s’il te plaît, écoute-moi ! »… «… Tu es mon père à jamais. Je suis pour toujours ta fille, devenue femme, enfin…»
Mon père au loin est un livre intimiste qui s’ouvre sur un chant d’amour.
Ariane, l’héroïne, nous entraîne dans un voyage intérieur dont elle sortira grandie. Elle témoigne, avec sincérité et subtilité, de la souffrance psychique : celle d’un père marqué par la Shoah et la sienne, sa fille, qui l’accompagne en fin de vie durant une maladie dévastatrice, fléau de notre époque, la maladie d’Alzheimer.
Ariane, femme libre et libérée, nous invite à toujours repousser les limites douloureuses pour accueillir le plaisir d’être.
Les descriptions, vives, impressionnistes, évoquent l’itinéraire riche et multiple de cette femme enthousiaste et amoureuse de la vie, parsemée de voyages qui la conduisent de Paris à Jérusalem, de la Toscane à Santa Fe, de l’Inde au Brésil, toujours en quête d’elle-même, de l’autre et du monde…
À travers une prose poétique et envoûtante, Martine Gercault nous fait partager le parcours spirituel de l’héroïne et la sagesse acquise au cours de ses expériences, invitant le lecteur à la méditation sur la nature et le sens de l’amour, fil rouge de ce livre.
Martine Gercault, psychanalyste-psychothérapeute, est une spécialiste reconnue de la psychologie transpersonnelle et des pratiques chamaniques.
Les lecteurs en parlent : pour lire plus de commentaires cliquer sur Amazon, Babelio
« Mon père au loin est un roman autobiographique poignant, au fil des pages l'émotion s'imprègne dans tout votre être jusqu'à tirer les larmes. Un trajet de vie rare, une écriture fluide, digne où la vie transpire sous toutes ses formes. En lisant ce roman, j'ai découvert une grande auteure ! »
« Livre dense et plein de délicatesse où se mêlent la poésie, le regard subtil d'une "psy" éclairée. »
« Le récit d'un chemin de vie sentimental et initiatique. Un émouvant témoignage d'amour, conjugué à la vérité d'être soi. Rarement j'ai lu un tel ouvrage écrit par une psychanalyste de façon aussi touchante, poétique et transparente, les sentiments de son héroïne, dévoilant ainsi sa nature féminine, sensible et secrète.
Une belle écriture, vivante, "musicale", qui résonne à notre besoin d'amour»
" Toutes les questions d'une vie, du sentiment d'appartenance et du sens. Mélancolie du temps et signes aériens des dieux. J'aime sa prose rétrospective et introspective ornée d'une écriture féminine, imagée et fine."
"Le livre n’est pas triste même si certains passages parfois attirent les larmes.
Ce roman est un hymne à la vie et à l’amour. […]Les médecins devraient lire ce livre écrit avec fougue et authenticité. Peut-être comprendraient-ils mieux la solitude et le désarroi des familles face à cette terrible affection, et celle aussi du patient enfermé en elle."
EXTRAIT
À mon père
« Que mon nom soit gravé dans ton cœur,
qu’il soit marqué sur ton bras.
Car l’amour est fort comme la mort,
la passion est implacable comme l’abîme.
Ses flammes sont des flammes brûlantes,
c’est un feu divin !
Les torrents ne peuvent éteindre l’amour,
les fleuves ne l’emporteront pas. »
Le Cantique des cantiques
« Car la nuit la plus noire est une aube qui vient. »
Edmond Fleg
Préface du Dr Stanislav Grof
Psychiatre américain, pionnier dans la recherche sur les états modifiés de conscience.
Fondateur de la psychologie transpersonnelle et de la respiration holotropique.
Née cinq ans après la Seconde Guerre mondiale, Ariane, l’héroïne du livre de Martine Gercault, vécut avec une conscience aiguë l’ombre des persécutions raciales et la souffrance qui tourmenta et endeuilla ses ancêtres juifs d’Europe centrale. Cette mémoire collective fut également maintenue en vie par une enfance et une adolescence passées en lien étroit avec un père, franc-maçon et « guerrier », ardent défenseur des droits de l’homme.
La visite d’Ariane à Auschwitz, bouleversante dans sa description, est un vibrant hommage au martyr juif et à la naissance de son père. Les pages consacrées à sa mort et à la façon dont elle y répondit sont des plus émouvantes. Cette perte douloureuse lui a inspiré une réflexion philosophique profonde sur la mort, l’impermanence et le sens de l’existence, thématiques qui joueront plus tard un rôle important dans ses voyages intérieurs.
Comme beaucoup d’autres parties du livre, ces passages sont magnifiquement écrits, dans une langue souvent poétique qui rend la lecture de l’ouvrage fascinante et captivante. La fine analyse rétrospective de sa relation complexe à son père trouve sa place parmi les plus puissantes descriptions des relations père fille de la littérature.
Prélude
« La vie est un courant sans fin, et chaque homme s’ancre dans le courant auquel il appartient. Il ne peut être détaché ni de ses ascendants, ni de ceux qui l’ont fait naître, ni de ceux qui assureront sa descendance. Être ancré dans une telle lignée d’appartenance, ce n’est pas comme être inscrit d’une façon symbolique dans un arbre généalogique. C’est sentir dans son corps la présence de ses parents, de ses grands-parents, et sentir que son propre corps vit dans celui de ses enfants ».
Née cinq ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les fumées de l’holocauste m’ont longtemps hantée, scandant ma jeunesse d’incessants « pourquoi ? »
Je demeurais suspendue dans des temps sans réponses, le présent se conjuguant toujours au passé, dans l’absence.
Les voix brisées de mes ancêtres m’ont traversée de leurs cris, imbibant ma mémoire d’une ombre fantomatique, indélébile, exigeante. Leur existence troublée, fissurée et violée, a sans aucun doute suscité très tôt chez moi mon désir d’accompagner l’autre à retrouver son humanité, sa dignité, pour l’aider à se resituer dans le monde.
Cette « Lettre au père », chant d’amour et de deuil, fut un chemin complexe de construction et de reconstruction, de réparation et d’acceptation, puis de libération. Ce père, hanté toute sa vie par « Souviens-toi », vivra ses dernières années dans l’évanescence puis l’altération profonde de sa propre mémoire, mais non pas celle de la Shoah, toujours présente. Il partit non endormi sur son passé, habité par le souvenir intact de l’innommable, fidèle jusqu’au silence final, à ce verset de l’Exode « Tu le raconteras à tes enfants. »
Revendiquer ma place dans ce tandem père fille, faire brèche dans ce cercle transgénérationnel infernal stigmatisé par les persécutions, fut un long travail d’accouchement puis de guérison. La psyché familiale, entachée du traumatisme, se décalqua certainement sur la mienne dans une sorte d’allégeance.
Il me fallut me soustraire à cette violence par un long travail psychanalytique, spirituel et chamanique. Incontournable.
Sans le destin de mon père, serais-je celle que je suis ?
La psychanalyste à qui j’ai donné naissance ne pouvait à son tour qu’aider d’autres humains en errance douloureuse à voir le jour et retrouver la puissance du vivant en eux.
Ce livre est une invitation au voyage, une incitation à pourfendre les glaces.
« On ne devrait lire que les livres qui vous mordent et vous piquent. Si le livre que nous lisons ne nous réveille pas d’un coup de poing sur le crâne à quoi bon lire ? Un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous » écrivait Kafka.
Puisse-t-il en être ainsi… Sans fard.
1 Yolanda Gampel, Ces parents qui vivent à travers moi, Fayard 2005
2 (Exode XIII,8)
« Mon père a joué un grand rôle dans ma vie
La mort d’un père est l’événement le plus important, la perte la plus déchirante d’une vie d’homme. »
Sigmund Freud, 1908, « l’Interprétation des rêves »,
préface de la deuxième édition
Mort et Renaissance,
Porte d’entrée
Comment allais-je amorcer cette odyssée qu’est l’écriture ?
Quelle en fut sa porte d’entrée ?
Le départ de mon père l’initia.
Cette sentence ébranle, et inscrit tous les humains dans une certitude identique, celle d’une fin de partie, mais également d’une Renaissance !
« Dans votre destinée, énonçait Saint Augustin, tout est incertain, le bonheur comme le malheur, seule la mort est certaine. »
Et quand celle-ci vient à frapper, aucune force ne peut s’y opposer. Elle est imparable.
« On résiste, écrit-il à nouveau, au feu, à l’eau, au fer, on résiste à la puissance des princes. La mort vient, qui est-ce qui lui résiste ? »
Psychanalyste-psychothérapeute, spécialisée dans les états non ordinaires de conscience et l’approche chamanique, la mort fut pour moi un thème récurrent dont le mystère et le concept chargés de nombreux sens m’attiraient irrésistiblement.
Les sociétés initiatiques parlent souvent de mort symbolique sous forme de rites de passage nous permettant de repousser et combattre les forces aliénantes qui nous encombrent. Nous muons et perdons alors nos flétrissures.
« Meurs et deviens ».
Tout travail intérieur débute par la dissolution du « vieil homme ». Nous devons renoncer à qui nous sommes pour nous enfanter et devenir libres. Nous engendrons ainsi une nouvelle vision, un nouvel être au monde. Mourir fait partie intégrante de la vie et se conjugue à elle dans une intimité poreuse indissociable. Ce mot honni, redouté, comme porteur de sort, terrifie, et véhicule dans l’imaginaire humain une angoisse paroxystique à l’origine de nombreux conflits psychiques.
Ombre furtive, mais permanente, la faucheuse rôde et nous entoure de sa robe aux couleurs inédites et froides. Mystérieuse, toute-puissante, sans prévenir, elle peut nous surprendre à tout instant. Cette coupure implacable, nous en ignorons la survenue fort heureusement… Et bien que l’idée de notre finitude ne nous quitte jamais, nous la refoulons telle une image dans le tapis !
— Carpe diem, prônait Horace
— Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie, reprit Ronsard.
Sans cette grande interrogation posée par notre inéluctable fin, notre séjour sur terre ne revêtirait certainement pas cette insatiabilité qui nous habite.
La sensation de la perte et celle de notre éphémérité nous mobilisent, nous incitent à nous dépasser et nous propulsent parfois vers l’excessivité, dans une jouissance inédite. Nos folies donnent du sens à notre incarnation. Il faut l’éperon du risque pour aller au-delà de l’ordinaire. S’y exposer, s’y confronter, nous aimante irrésistiblement.
Sans cette appréhension du danger, que serions-nous ? Des robots, des machines au chemin déjà tracé ? Nous naissons du mystère dans l’inspire et y revenons dans l’expire. Aller-retour, rythmicité du dedans et du dehors, alternance inévitable des cycles, retour à l’origine. Un ordre préside à notre consubstantialité, l’humilité fait loi face à l’insondable et nous soumet au silence de l’incompréhension et de l’inconnu, notamment lors de la disparition d’un être cher.
Je me surprends à écrire en période anniversaire de la mort de mon père parti il y a huit ans, par une triste et grise après-midi de novembre. Nous sommes fin octobre, peu de jours avant son passage à l’Orient éternel, comme il aimait nommer l’Autre Monde.
Cet homme courageux et noble, à l’intelligence vive, s’en alla au terme d’une maladie éprouvante, extrêmement douloureuse et invalidante. Son cerveau, grignoté par une affection dégénérative imputée à un diabète dont il se gaussait, le laissait dans une errance psychique délétère, avec, cependant, une conscience non altérée par moments. Ses derniers mois, auxquels se surajouta un mal perforant plantaire gangréneux, furent une agonie de chaque instant. Les jours et les nuits se succédaient et se confondaient en des souffrances permanentes inutiles. Je priais pour sa délivrance tout en appréhendant son départ. Je sentais si intensément son calvaire qu’il m’était devenu insupportable de le voir tourmenté en vain.
Quand il rendit l’âme, je saluai sa libération. Mon anesthésie émotionnelle me surprit. J’avais si souvent versé des larmes que mes yeux étaient secs. Son martyre avait pris fin, alléluia ! Il allait pouvoir retrouver la paix, délié de ses chaînes, combien multiples. Celles de sa maladie, celles de ses origines, et surtout celles de la Shoah qui l’habita de façon quasi permanente. Il portait la culpabilité du survivant, pleurait les disparus, et vécut ses dernières années enfermé dans le culte du souvenir, seul élément vibrant de sa mémoire déliquescente.
Deux mois après son décès, la blessure de la perte se rouvrit telle une déchirure béante, crue, charnelle, animale. J’étais une louve qui hurlait en silence à la mort. Le travail de deuil, essentiel pour se reconstruire après le départ d’un être cher, fut long, l’écriture en fit partie.
Le disparu laisse un vide immense. J’en compare souvent les dégâts à une ville bombardée. Il faut du temps, de la patience pour rebâtir ce qui fut anéanti. Tout est à nettoyer, dans du sang et des larmes. Les antidépresseurs ne feront que déplacer le symptôme. Il importe d’affronter la perte, d’en accepter l’irrémédiable ; seule cette temporalité permettra la suture de la plaie. La période du deuil et le travail intérieur qui s’ensuit sont l’étape nécessaire pour se réanimer, se reconnecter à ses propres désirs et reprendre le fil de sa vie.
Dans la religion juive, il est demandé aux affligés de se retirer du monde une semaine durant pour ne pas se divertir du chagrin ressenti. Cette confrontation au vide laissé par la séparation est également pour le survivant la possibilité de se redécouvrir et de s’individuer.
La mort, étape vers une nouvelle croissance…
L’âme du défunt, suivant de nombreuses traditions spirituelles, poursuit son voyage, délestée de son corps physique. Puisse l’endeuillé continuer sa vie, porteur de cette promesse, la mort serait un passage dans une autre pièce.
Écrire fut une sorte d’au revoir à l’absent.
Je me souviens…
Mon grand-père maternel était un juif pieux et mystique, disparu trop tôt. J’avais alors dix ans. Ma quête spirituelle s’origine de sa présence, mais aussi de son manque. Longtemps durant, j’ai ressenti son absence comme une blessure indélébile. J’ouvris les yeux cinq ans après le cataclysme de la Seconde Guerre mondiale, dans une famille très aimante, originaire d’Europe Centrale, fortement stigmatisée par la Shoah.
Mon enfance et mon adolescence furent marquées du sceau des persécutions raciales vécues par les miens, et je passai ces années auprès d’un père qui était un « guerrier », franc-maçon très engagé dans la lutte pour les droits de l’homme, et d’une mère tendre, mais quelquefois distante, rêveuse, souvent insaisissable.
L’expression « Zachor » « N’oublie pas », scanda ma jeunesse comme un leitmotiv. Il me fallut être une gardienne de la mémoire.
Ce drame collectif très douloureux orienta certainement mon désir d’être psychothérapeute et servir une cause humanitaire. J’ai toujours, depuis mon plus jeune âge, été solidaire de la maltraitance et de l’injustice.
Quand je me penche sur ma vie, elle me semble multiforme, non conventionnelle, aventureuse et riche, souvent mystérieuse. J’ai bravé beaucoup d’interdits familiaux en devenant ce que je suis, c’est-à-dire, hors norme.
D’un milieu très traditionnel, imprégné par un judaïsme qui ne me satisfaisait pas totalement, j’ai étudié d’autres sources pour trouver des réponses à des questions qui jaillirent très tôt en moi. Il me fallait donner un sens à ma vie, explorer et découvrir, souvent seule. C’est ainsi que j’ai côtoyé le soufisme, le bouddhisme et l’hindouisme. Aujourd’hui, ma spiritualité est transpersonnelle, ma quête, une recherche du sacré, au-delà de l’ego, hors toute religion.
Cependant, mes racines juives sont vivantes, je demeure fidèle à la « terre » d’où je viens.
J’aime regarder les lettres hébraïques, les effleurer de ma main. Passerelles vers l’infini, elles se mettent en mouvement devant mes yeux, et me relient à Rabbi Nachman de Bretzlaw chantant et dansant avec ses disciples dans l’atemporalité de la ferveur :
« Même si vous ne chantez pas bien, chantez.
Chantez pour vous.
Chantez dans l’intimité de votre demeure.
Mais chantez. »
C’est certainement ainsi que s’exprime mon alliance au judaïsme, dans le chant et le mouvement des rythmes hassidiques, mais aussi dans le souvenir du deuil collectif.
Le 22 mars 2011, au lendemain de la date de naissance de mon père qui aurait eu quatre-vingt-huit ans, je suis allée en pèlerinage à Auschwitz, le plus grand cimetière de l’humanité, marcher sur cette terre obscure que sans arrêt il revisitait.
Dans cette nuit embrumée, abominable et sans fin, sous la pluie et dans la boue, pétrifiée, statufiée, absente à ma pensée, j’errais, livide, perdue, enveloppée du silence de la mort. Les fantômes, ombres solidaires et solitaires, muettes, accolées les unes aux autres, nous entouraient pour mieux nous accompagner.
Dans ce passé crépusculaire, aucun cri, aucun pleur, aucun gémissement ne s’élevaient. Seules la présence implacable de Thanatos et l’atrocité d’un destin collectif s’abattaient, funestes. Je sentais leur odeur me coller à la peau, m’empoisonner et m’asphyxier.
J’étais devenue celles dont je voyais les sandales et ballerines transformées en objets de vitrine, porteuses encore de l’empreinte de leurs pieds. J’étais les femmes en fleurs, amoureuses, qui riaient, gorge ouverte et déployée, insolentes devant l’objectif de l’aimé. J’étais les mères qui, confiantes, avaient tricoté dans une attente joyeuse, les brassières pour leurs bébés.
Le néant m’emportait, très vite ma conscience quitta mon corps. Cette dissociation me protégeait de l’abominable. Je ne pouvais plus être atteinte, blessée, torturée, annihilée, cassée, brisée, déshumanisée. J’étais ailleurs. Perdue dans l’océan des sphères, je n’habitais plus l’enfer.
Je n’avais plus de contours, plus de « moi ». J’étais eux, j’étais elles.
Seul le froid cinglant me ramenait au moment présent, ravivant des douleurs, celles d’ici et maintenant, mais aussi celles de toute éternité : les persécutions toujours recom- mencées.
Lorsque mon père mourut, je répétais inlassablement le soir, avant de m’endormir, « Papa est mort », pour rendre tangible la réalité de son départ.
Lors de cette journée glaciale, le mot Auschwitz me martela sans fin, absurde mantra obsédant. Y étais-je réellement ? Rien ne surgissait devant mes yeux clos quand je m’arrêtais pour méditer. Aucune image ne filtrait. Seul, le vide, total, gris, immense, m’encerclait. Je ne savais plus où j’étais. Basculée dans un monde à jamais éteint, dans l’irréel infernal d’un chaos interminable, j’errais parmi les trépassés.
Le Kaddish fut dit devant le mémorial du camp. Je pleurai en silence le départ de mon père, et célébrai sa naissance… Au pays des morts !
Paradoxale union indélébile de la création et de sa finitude, en donnant la vie, nous donnons déjà la mort.
La vie, prélude à la mort. La mort, suite posthume !
Pulvérisée et coupée entre deux mondes, absorber cette expérience me demanda du temps.
Je mis trois ans à faire le deuil de mon père.
À mon retour d’Auschwitz, j’écoutai en boucle le funèbre « Mole Rahamim », ce chant poignant des déportés qui emmène les âmes, et les aide à s’élever. Être psychanalyste émana certainement de cette parenthèse funeste de l’histoire. Cette terre enténébrée raviva la fêlure que je vécus plusieurs années auparavant à Tel-Aviv lors de l’attentat suicide au Dizengoff Center le 4 mars 1996.
Tandis que les mots courent et s’envolent, je perçois que ce livre n’aurait pu voir le jour si je n’avais inscrit en lui la relation toute particulière que j’eus avec mon père.
Il y eut « avant » et « après ».
3 Prière centrale de la liturgie juive sanctifiant le Nom divin, récitée au terme de chaque office et communément appelée « prière des endeuillés » ; le mot « mort » n’y figure nulle part
Fin de l'extrait
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